HUGO CLÉMENT : DE LA TÉLÉVISION AUX RÉSEAUX, LA FORCE D’UN JOURNALISME QUI AGIT
Peut-on faire plier des lobbys avec une caméra, des faits, et une communauté ? La trajectoire d’Hugo Clément semble répondre oui. Journaliste écologiste très exposé — et souvent attaqué — il a choisi de conjuguer télévision publique, plateformes sociales et média indépendant pour enquêter sur l’environnement et imposer ces sujets à grande échelle. Sa marque éditoriale s’appuie sur un principe simple : montrer, mesurer, documenter… puis mobiliser. Avec Sur le front en prime sur France Télévisions, un écosystème digital massif et le média d’abonnement Vakita, il a bâti un système éditorial qui transforme l’attention en impact. Sur le plan des audiences, Sur le front réunit régulièrement près d’un million de téléspectateurs, avec des pointes au-delà, preuve qu’un traitement exigeant de l’écologie peut toucher le grand public en soirée.
UN POSITIONNEMENT CLAIR : LE « JOURNALISME D’IMPACT », PAS LE MILITANTISME DE PLATEAU
Le cœur de la stratégie de Clément, c’est un positionnement net : ni éditorial indigné ni débat stérile, mais un récit de terrain, incarné, qui commence par l’observation et finit par une solution testable. Dans ses entretiens, il résume la promesse : informer sans culpabiliser, au rythme d’enquêtes qui révèlent des mécanismes concrets (qualité des labels, usages de l’eau, pêche profonde, etc.). Cette ligne — « ne pas donner aux téléspectateurs l’impression de se faire engueuler » — est devenue un code de marque : on ne sermonne pas, on démontre. Résultat : une audience veille proche du million sur France 5 (895 000 en moyenne sur une période récente, jusqu’à 1,20 million sur certains numéros) et une capacité à tenir la case avec constance.
Ce positionnement se prolonge sur des formats événementiels, comme la soirée Urgence Océan du 10 juin 2025, co-présentée avec Léa Salamé lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice, qui a permis d’installer les enjeux marins dans un dispositif prime time avec responsables politiques, scientifiques et acteurs de terrain. L’idée : créer du lien entre décision et terrain, sans perdre le grand public en route.
UNE MARQUE-MÉDIA HYBRIDE : TV, RÉSEAUX, ABONNEMENTS
La force de frappe ne vient pas d’un canal unique, mais d’un triptyque pensé comme un entonnoir d’attention :
La télévision publique pour la crédibilité et la portée : Sur le front ancre la marque éditoriale, avec Winter Productions en cheville ouvrière, et capitalise sur l’infrastructure de France Télévisions (production, distribution, replay). La série s’est installée comme un rendez-vous de prime en mêlant investigation, pédagogie et images fortes.
Les réseaux sociaux pour l’amplification et l’instantanéité : Hugo Clément fédère une vaste communauté sur Instagram (environ 2 millions d’abonnés à date) et touche les audiences plus jeunes via TikTok (environ 1,2 million d’abonnés et plus de 23 millions de likes). Les séquences verticales — extraits d’enquêtes, décryptages rapides, prises de position sourcées — jouent le rôle de « bandes-annonces » qui renvoient vers les formats longs.
Un pilier propriétaire : Vakita, média d’enquête par abonnement (environ 5 €/mois), conçu pour financer des investigations sensibles, hors dépendance publicitaire. Cette brique garantit une souveraineté économique minimale et canalise l’engagement le plus fort vers du contenu premium.
Cet écosystème a deux effets structurants. D’abord, il amortit la volatilité des plateformes : si un format sous-performe sur une app, le sujet existe en TV ou en abonnement. Ensuite, il convertit l’émotion en action : pétitions relayées, dons, soutiens à des ONG, pression citoyenne ciblée. L’été 2025, une mobilisation relayée par ses canaux a franchi le cap symbolique des deux millions de signatures, preuve de la capacité d’activation d’une audience devenue communauté.
LE STORYTELLING DE L’ÉPREUVE : INCARNER, PROUVER, DÉFIER
Face aux lobbys, la réponse éditoriale n’est pas la polémique mais la procédure : terrain + preuves + contradictoire. Sur le front filme les lieux contestés, interroge les acteurs économiques, expose les chaînes de valeur, et s’appuie sur des scientifiques ou des associations pour recouper. L’écriture privilégie l’incarnation (on suit une garde-côte, un agriculteur, un biologiste), l’expérience (on vérifie un label, on traque une filière) et le fact-checking visuel (images, documents, données publiques). Cette grammaire renforce la crédibilité dans des sujets inflammables : label HVE face au bio, gestion de l’eau, pêches profondes, etc. Quand l’enquête sur le label HVE a été mise à l’antenne, elle a accroché près de 900 000 téléspectateurs et signé une part d’audience remarquée pour France 5, confirmant que la méthode « montrer-expliquer » fait revenir le public.
La mécanique digitale est symétrique : sur Instagram et TikTok, le récit se fragmente en séquences de 30 à 90 secondes, chacune avec un angle, un chiffre clé, une source ou une image-preuve. La répétition n’est pas redite : c’est de la capillarité. Un extrait renvoie au replay sur France.tv, au podcast thématique, ou à un dossier long chez Vakita. Cette circulation multiplie les points d’entrée et nourrit l’algorithme sans diluer la rigueur du fond.
LECTURE MARCHÉ : L’ÉCOLOGIE N’EST PLUS UN « SUJET », C’EST UN FORMAT
Ce que révèle le « cas Clément », c’est moins la personnalisation que la structuration d’un format éditorial désormais bankable : l’écologie de service public. Un format capable de tenir une case en clair, de générer des communautés numériques denses, et de monétiser une partie de sa valeur via l’abonnement. Le marché télé confirme qu’un documentaire d’impact, régulièrement proche d’un million de personnes en audience veille sur une chaîne thématique ou généraliste, peut rivaliser avec des offres de divertissement, à condition d’être incarné, séquencé et actionnable.
Pour les marques, ce déplacement est majeur. D’abord parce que l’écologie sort du registre « RSE défensif » pour devenir un sujet culturel de masse, scruté par des journalistes qui maîtrisent les codes du numérique et l’agenda sociétal. Ensuite parce que l’« activabilité » est réelle : un reportage peut déclencher, le lendemain, des milliers de commentaires, de mails, de signatures, voire des arbitrages politiques ou économiques. Enfin, parce que la compétition pour la crédibilité s’intensifie : face à des formats adossés à la télévision publique et à des médias d’investigation, les claims marketing non prouvés ou les green claims approximatifs sont repris, testés, et parfois démontés.
Regard Brand Zone
Trois enseignements. Un : la clarté de positionnement paie. « Journalisme d’impact » n’est pas un slogan, c’est une ligne éditoriale avec des conséquences sur l’écriture, la preuve et le montage des formats. Deux : l’architecture médias doit être hybride. TV pour la légitimité et la portée, social pour l’acquisition et l’itération, abonnement pour la souveraineté. Trois : la communauté devient un actif stratégique quand elle est entraînée par des rituels éditoriaux (teasers, lives, renvois vers le long, appels à actions sourcés).
Pour les communicants, la grille de lecture est double. D’un côté, anticiper la « due diligence » éditoriale sur tous les sujets sensibles : accepter l’accès, documenter, fournir des preuves, corriger vite les incohérences. De l’autre, comprendre que l’engagement n’est pas un vain mot : une enquête bien construite peut devenir une rampe de mobilisation, avec un continuum TV-réseaux-abonnement que peu d’acteurs de marque savent aujourd’hui répliquer.
Hugo Clément n’est pas « seul » au sens littéral — des rédactions, des producteurs, des experts travaillent à ses côtés — mais il a installé l’image d’un journaliste qui assume l’exposition et endosse le risque, face à des intérêts structurés. Cette incarnation, soutenue par des preuves, explique pourquoi le public adhère : on ne lui vend pas une indignation, on lui propose un protocole. Et ce protocole, chiffres et sources à l’appui, déplace les lignes.
Un article écrit par Benoît Dessaux — 31 août 2025