LES CRÉATEURS VONT-ILS DEVENIR LES NOUVEAUX LEADERS D’OPINION DES CONFÉRENCES ?
Sixtine Moullé-Berteaux au Z Project 2024
Une conférence sans incarnation est devenue une conférence oubliée. Les entreprises, habituées à faire intervenir des experts institutionnels ou des consultants aguerris, s’ouvrent désormais à une nouvelle génération : celle des créateurs de contenu. Mais est-il pertinent de donner un micro à des profils venus des réseaux sociaux pour s’adresser à des collaborateurs, des clients ou des étudiants ? La question divise. Pourtant, un constat émerge : les créateurs ne se contentent pas de capter des audiences en ligne, ils savent aussi transformer une salle en communauté attentive.
POURQUOI LES CRÉATEURS FONT MOUCHE SUR SCÈNE
La clé d’une conférence réussie, ce n’est pas seulement la qualité du contenu, mais la capacité à le rendre désirable. C’est précisément le cœur de métier des créateurs, entraînés à capter l’attention en quelques secondes et à convertir cette attention en engagement.
Prenons l’exemple de Wallerand Moullé-Berteaux et de sa sœur Sixtine. Lui s’est imposé comme l’un des visages de cette nouvelle génération entrepreneuriale, avec des projets comme Elyze (l’application citoyenne téléchargée par plus de 3,6 millions de jeunes) et Founders Night, un rendez-vous qui réunit régulièrement jusqu’à un millier d’entrepreneurs autour de talks inspirants. Elle, avec ses contenus sur LinkedIn et ses interventions sur le storytelling, traduit les codes de sa génération auprès des entreprises. Leur force commune ? Transformer des expériences personnelles et des insights générationnels en récits concrets, inspirants et actionnables pour des publics B2B.
D’autres suivent la même trajectoire : Hugo Travers (HugoDécrypte) qui intervient désormais dans des forums universitaires et institutionnels, Marie Robert, philosophe devenue conférencière corporate grâce à Instagram, ou encore des créateurs comme Valentin Decker, capables de vulgariser productivité et écriture pour des cadres dirigeants. Leur point commun : une pédagogie incarnée qui résonne plus fort qu’un discours trop technique.
Les chiffres le confirment : les contenus portés par des individus génèrent en moyenne 1,7 fois plus de clics et 1,6 fois plus d’engagement sur LinkedIn que ceux portés par une marque. Cette logique s’applique aussi au format conférence : l’attention se porte sur une voix incarnée, pas sur un logo.
UN POSITIONNEMENT ENTRE STORYTELLING ET LÉGITIMITÉ
On pourrait objecter que les créateurs manquent de légitimité face à des experts académiques ou des dirigeants chevronnés. C’est vrai dans certains cas. Mais pour des thématiques comme la culture digitale, les nouvelles formes de travail, le personal branding, ou encore la compréhension de la Gen Z, leur parole est non seulement pertinente, mais souvent incontournable.
Sixtine Moullé-Berteaux, par exemple, s’est imposée comme une voix fraîche sur le storytelling, capable de décoder en quelques minutes ce que des directions de communication mettent parfois des mois à conceptualiser. À l’inverse, Wallerand apporte la vision d’un entrepreneur créateur qui a transformé des contenus en business model, un témoignage précieux pour les entreprises en quête de nouveaux relais de croissance.
Ce constat est partagé par Nicolas Teil, fondateur de Minds, une agence de talents spécialisée dans l’accompagnement de conférenciers. Reconnu comme l’un des meilleurs experts de son secteur, il est régulièrement sollicité par les plus grandes agences événementielles françaises comme Havas, WMH ou encore Publicis, pour sélectionner et préparer les intervenants les plus pertinents.
« Les créateurs ne remplacent pas les experts, ils les complètent. Leur force est d’incarner une génération qui maîtrise à la fois la scène et le digital, en transformant un discours en récit engageant. Pour les entreprises, c’est l’assurance de toucher leurs audiences là où elles sont vraiment : entre la conférence et les réseaux. »
Il ajoute :
« Chez Minds, nous travaillons déjà avec des profils dont l’activité principale nourrit leur parole sur scène ; la conférence n’est pas une fin en soi mais le prolongement naturel de leur expertise. Dans ce cadre, un créateur s’inscrit pleinement dans cette logique : sa création de contenu devient une matière vivante qu’il peut prolonger et incarner en conférence. »
Cette légitimité repose donc sur deux piliers :
Le vécu : ces créateurs ont expérimenté en direct ce que vivent les marques (construire une audience, gérer une crise, tester un modèle économique).
La pédagogie : ils savent traduire des pratiques émergentes en récits simples, mémorables et actionnables.
Là où un expert classique délivre souvent une analyse “top-down”, un créateur partage une expérience vécue “de l’intérieur”. C’est cette proximité qui séduit les audiences et crée l’effet “prise de conscience” recherché dans une conférence.
DU LIVE AU DIGITAL : UN DISPOSITIF 360°
L’intérêt d’une conférence créateur ne se limite pas au live. C’est un contenu à fort potentiel de réutilisation.
Avant l’événement, un teaser en vidéo (20-30 secondes) posté par le créateur active l’interne et donne une visibilité externe, notamment sur LinkedIn ou Instagram.
Pendant, la conférence peut être pensée comme un show : intro rythmée, anecdotes personnelles, punchlines calibrées pour être repartagées, moments interactifs qui nourrissent la salle.
Après, les extraits vidéo deviennent des capsules de communication pour l’entreprise. Publier 3 à 5 contenus courts, sponsorisés en Thought Leader Ads sur LinkedIn, permet de toucher directement les cibles stratégiques : prospects, talents à recruter, partenaires potentiels.
En clair, on ne paie pas seulement une heure d’intervention : on investit dans un package éditorial ré-exploitable qui combine live et amplification digitale. C’est précisément ce qui séduit les directions marketing et communication, soucieuses de maximiser le ROI de chaque prise de parole.
QUELS RISQUES ET QUELS GARDES-FOUS ?
Tout n’est pas transférable. Certains créateurs, très efficaces en format court, peuvent se révéler moins impactants en format conférence. L’erreur serait de penser qu’un succès sur TikTok garantit un succès sur scène. L’enjeu pour l’entreprise est donc de bien sélectionner le profil en fonction de son brief : sujet, audience, attentes.
Autre point : la sécurité de marque. Travailler avec un créateur implique de vérifier la cohérence de son historique de contenu, d’encadrer juridiquement les droits (captation, diffusion, international) et de poser des règles claires (ton, sujets sensibles).
Enfin, la question du positionnement est cruciale. Un créateur conférencier n’est pas un simple “influenceur” invité pour l’image, mais un partenaire éditorial. L’entreprise doit donc l’intégrer dès l’amont : co-construction du récit, répétition, préparation des supports.
REGARD BRAND ZONE
Ce mouvement traduit une transformation profonde. Les entreprises ne se contentent plus d’acheter du savoir, elles achètent de la narration incarnée. Les créateurs comme Wallerand et Sixtine Moullé-Berteaux incarnent parfaitement cette tendance : jeunes, légitimes sur leurs terrains (digital, storytelling, entrepreneuriat), et capables de transformer une audience passive en communauté attentive.
Il faut retenir une grille de lecture claire :
Oui, les créateurs ne remplaceront pas les experts traditionnels sur tous les sujets.
Oui, ils apportent une valeur unique dès lors qu’il s’agit de culture digitale, de transformation des usages ou de nouvelles générations.
Et surtout, leur force réside dans leur double casquette : conférenciers sur scène et créateurs de contenus qui prolongent la conférence en ligne.
La tendance est nette : après les experts académiques et les dirigeants stars, les créateurs sont en train de devenir la troisième voix légitime sur scène. Les entreprises qui sauront hybrider ces profils gagneront en attention, en crédibilité et en proximité avec leurs audiences.
Un article écrit par Benoît Dessaux — 8 septembre 2025