PLUS DE 4,2M DE VUES EN 24H : SQUEEZIE FAIT ENTRER YOUTUBE DANS LA COUR DES PRIMES TV

« Qui réussira à stopper le train ? » Le titre donne le ton : un concept spectaculaire, dix créateurs enfermés dans un convoi lancé à pleine vitesse, des épreuves par wagon, un casting XXL et un budget annoncé comme le plus élevé de l’histoire de YouTube France. Squeezie a dévoilé sa vidéo événement le 13 septembre : une production signée Unfold (sa société) et réalisée par Théodore Bonnet, tournée sur une portion de rails privatisée en Roumanie, avec des wagons décrochant au fil des éliminations. Bref, un format de “grand jeu” à la grammaire très télé… mais pensé nativement pour le Web.

Dès les premières heures, la trajectoire est fulgurante : près de 3 millions de vues en moins de 14 heures et plus de 4,2 millions en 24 heures, une dynamique qui confirme l’effet “événement” recherché.

STRATÉGIE : FAIRE DU BUDGET UN ARGUMENT MARKETING, FAÇON “BIG BET” YOUTUBE

Squeezie a préparé ce lancement comme une rentrée médiatique : annonces égrenées en live, bande-annonce calibrée, affiche, promesse claire : “le plus grand jeu de l’histoire de la chaîne”. Surtout, il a assumé publiquement l’ordre de grandeur du budget : environ 700 000 € — parfois évoqué entre 700 000 et 800 000 € selon les reprises —, ce qui installe d’emblée la vidéo comme “la plus chère” de YouTube FR et transforme le coût en preuve de qualité perçue. Cette transparence sert la curiosité, alimente la conversation et positionne le projet sur l’axe ambition/exception. À noter : mêmes les médias généralistes traitent désormais ces “superproductions” de créateurs, signe que le sujet a dépassé la sphère YouTube

Ce cadrage n’est pas isolé : la plateforme glisse vers des formats évènementiels hautement mis en scène. Dans le sillage de GP Explorer côté live, l’autre macro-tendance de la rentrée est “Terminal” (Michou) : diffusion au cinéma, puis mise en ligne avec plus de 4,3 M de vues en trois jours. Les créateurs captent l’imaginaire mainstream avec les codes de la TV… sans la TV. 

DISPOSITIF & STORYTELLING : UN “JEU TÉLÉ” EN LANGAGE WEB

Le cœur du concept est limpide : 1 train – 10 participants – 1 gagnant. Chaque wagon = une épreuve, le perdant reste bloqué, le wagon est décroché, le convoi repart. La mise en scène multiplie les marqueurs “premium” (drones, 3D, décors sur mesure) pour élever la promesse de spectacle, tout en gardant le rythme, l’humour et la connivence propres au “feat & fun” made in YouTube. Télérama parle d’un résultat proche d’un jeu télé, note le volume des équipes (près de 90 personnes mobilisées, dont 16 dédiées aux décors), et situe le tournage en Roumanie, sur voies privatisées. Traduction : on est passé d’un “tournage YouTube” à une opération de production lourde — logistique, sécurité, décors, caméra, SFX —, orchestrée par Unfold (la structure de Squeezie) et Théodore Bonnet à la réalisation. 

Côté casting, la promesse est grand public digital : Inoxtag, Joyca, Amixem, Mastu, Djilsi, Amine, Maghla, Baghera, Michou, Maxime Biaggi… soit le top-of-mind de la scène FR, pour maximiser le réseau d’audiences croisées et l’“apport d’abonnés” mutuel. La force de frappe ne vient pas d’un diffuseur, mais de la somme des communautés. 

ÉCONOMIE & COMPARATIF TV : UN BUDGET DE PRIME-TIME… SANS LA GRILLE

Avec environ 700 000 € annoncés, la vidéo de Squeezie se situe clairement dans l’échelle budgétaire d’un prime de divertissement sur TF1. Selon Le Figaro/Boursorama, des formats emblématiques comme Koh-Lanta font partie de ces programmes à forte intensité de production, comparables aux grandes soirées de la Une. On parle d’un investissement équivalent à ce que mobilise TF1 pour ses grandes soirées événementielles, et nettement supérieur à ce que consacre généralement M6 à ses divertissements.

Différence majeure : la structure de revenus. En TV, le producteur vend le programme au diffuseur, qui monétise en pub + parrainage selon la case. Sur YouTube, le créateur endosse le risque : AdSense + éventuels sponsors/intégrations + produits dérivés + catalogage long-terme + retombées d’image qui ouvrent d’autres deals. BFMTV souligne d’ailleurs que si le budget est record en France, il reste loin des niveaux de MrBeast : autrement dit, la barre monte, mais reste soutenable pour un acteur FR doté d’un fort bassin d’audience. Le ROI ne se lit pas seulement en CPM : notoriété, leadership, pricing power sur les futures intégrations, et capacité à aimanter des talents/partenaires pèsent lourd. 

RÉSULTATS & MÉCANIQUES D’AMPLIFICATION : L’EFFET “ÉVÉNEMENT”

Trajectoire d’audience : au moment d’écrire, la vidéo affiche plusieurs millions de vues dès les premières heures (l’aperçu mobile YouTube indiquait ~2,7 M à H+11, ~2,9 M vers H+14), ce qui projette mécaniquement au-delà de 4 M dans la première journée sur un canal de cette taille. Signal-faible fort : l’écosystème média social (reels, shorts, presse en ligne) relaie l’étiquette “la plus chère de YouTube FR”, qui joue comme accélérateur de CTR — “si c’est la plus chère, je veux voir”. Le budget devient le teaser. 

Architecture d’amplification :

Teasing intensif (Twitch, X/Twitter, Instagram), bande-annonce courte et très lisible (“1 train. 10 participants. 1 gagnant.”).

Casting-hub : chaque invité porte l’épisode à sa communauté, créant un faisceau de notifications.

Temporalité : une sortie de rentrée, hors “summer slump”, pour maximiser la demande.

Earned media : de Télérama à Konbini et Puremédias, la presse suit et compare à “Terminal” (cinéma + 4,3 M/3 jours) : la logique de “blockbuster de créateurs” s’installe. 

LECTURE MARCHÉ : LA “TV-ISATION” DE YOUTUBE… OU LA “YOUTUBE-ISATION” DE LA TV ?

Ce projet confirme un point de bascule : l’Internet créateur n’emprunte plus, il récupère et recompose les codes du mass-market (décors, multi-cam, dramaturgie), en gardant ce qui fait la force du Web (rythme, proximité, personnalités). La télé devient une référence de production, plus de diffusion. Dans ce modèle, l’attention se gagne sans grille : tout repose sur l’événementialisé, la simplicité du pitch, la preuve de moyens, et le casting-aimant. Quatre piliers qui constituent un playbook désormais clair pour les marques et les créateurs.

Reste une vigilance : la représentativité des castings et la substance des épreuves. Télérama pointe un manque de profils féminins (2/10) et des mécaniques parfois “déjà vues”. À budget premium, exigence premium : c’est le prix de l’ambition

REGARD BRAND ZONE

Ce qu’il faut retenir.

  1. Le coût devient message. Annoncer “700 000 €” a servi de crochet marketing et de preuve de sérieux.

  2. Le casting, c’est le média. La somme des audiences invitées vaut un prime-time — sans linéaire.

  3. Le format Web-first premium s’impose : on ne singe pas la TV, on hybride ses codes avec ceux du digital.

  4. Le marché bascule vers des “superproductions de créateurs” (ex. “Terminal”), capables de rivaliser en imaginaire avec les franchises TV. Pour les marques, c’est une alternative crédible aux gros shows : intégrations créatives, coproductions, licences et événements deviennent des terrains d’activation d’envergure. 

Grille de lecture pour les annonceurs.

Avant : identifier le bon “big bet” (concept lisible en 5 mots, promesse spectaculaire).

Pendant : apparaître utile au récit (mécanique, décor, enjeu) plutôt que “simple logo”.

Après : capitaliser en full-funnel (replays, shorts, spin-offs, “making-of”, retail media).

KPI : ne pas se limiter aux vues ; regarder temps moyen, pics de rétention, recherche de marque, trafic site, incremental sales.

La tendance que cela illustre.

Nous entrons dans l’ère des “créateurs-studios” : capex créatif élevé, IP réutilisables, licences, et écosystèmes communautaires qui remplacent la grille. La question n’est plus “YouTube peut-il rivaliser avec la TV ?” ; c’est “quelle marque saura s’arrimer au prochain train avant qu’il ne file ?”

Un article écrit par Benoît Dessaux — 14 septembre 2025.

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